Des mois qu’ils avaient tué leur premier dragon. Des mois que Frothar s’était avéré être Enfant de Dragon. Longtemps, il avait presque eu peur de parler, de peur de blesser quelqu’un. Il lui avait fallu la patience de son entourage pour finalement redevenir totalement l’homme qu’il était avant d’absorber cette âme de dragon : l’homme qui ne s’inquiétait pas de boire et de brailler, et qui osait lever la voix sur ses troupes. Aucune table ne s’était renversée et aucun homme ne s’était envolé sous l’effet de sa Voix. Il avait toujours l’impression que ce don aurait été plus utile à Nelkir qu’à lui. Son jeune frère en aurait certainement maîtrisé les subtilités plus rapidement... mais après tout, il s’agissait là d’un avantage considérable en combat.

Des mois avaient passés, puisqu’ils étaient à présent en Mi-L’an. La menace des dragons étaient présentes, ancrés dans l’esprits des survivants de Blancherive, et la Guerre Civile était toujours au cœur de leur pays, les tensions augmentant petit à petit. Et une poignée d’hommes et de femmes courageux se préparaient à reprendre Helgen. Leur but ? En faire le bastion des chasseurs de dragons. Sombrages, Légions, peu importait. Ils savaient ce qui était le plus urgent. Cela dit, actuellement, le plus urgent pour Frothar était de rejoindre Sven. Des mois, également, qu’il allait régulièrement passer du temps avec Sven, en tout bien tout honneur, et qu’il n’en passait plus à faire des bêtises avec d’autres hommes. Un changement s’était opéré en lui. Un changement certainement survenu après avoir faillit mourir face à la créature de légende crachant du feu, qui avait longtemps fait peur à Frothar.

Il ne s’était jamais attaché à personne. Jamais. Et cela valait mieux, puisqu’il ne voulait pas que son homosexualité s’ébruite. A vrai dire, la moitié de Blancherive devait le savoir, et l’autre moitié s’en douter, mais il était encore assez naïf et aveugle pour penser que personne ne savait qu’il aimait les hommes. Et la perspective de pouvoir perdre la vie en tentant de reprendre Helgen le poussait à, pour la première fois, mettre des mots sur ses sentiments. Les avouer. Ne pas être un esprit errant torturé par le fait qu’il n’ai jamais trouvé le courage de dire à quelqu’un qu’il éprouvait une affection à nulle autre pareille pour lui.

Le départ n’était plus pour dans très longtemps. A vrai dire, il devait partir le lendemain. C’est donc de bon matin qu’il était parti pour rejoindre l’homme qui occupait actuellement un peu trop ses pensées. Laissant son cheval aux soins des ouvriers de Sven, et suivit de près par son fidèle chien, il toqua à la porte. Il attendit quelques instant, la boule au ventre, que le propriétaire vienne lui ouvrir, et entra avec un sourire qui se voulait chaleureux. « Sven ! Désolé, je sais qu’il est tôt. » Il hésita un instant, jetant un coup d’œil autour de lui pour voir si Seren était dans les parages, et laissant Herulf se poser près du feu. « Je suis venu parce qu’il y a... Plusieurs choses dont j’aimerai te parler. Je ne sais pas si elles vont toutes te plaire, cela dit, mais... » Il haussa une épaule. A un moment donné, il fallait bien parler, même si la vérité pouvait ne pas plaire à chaque fois.

Frothar ne se connaissait pas si anxieux. Il était né avec un charisme et une éloquence qui pouvaient paraître innés, mais qui venaient certainement de ses origines et de son éducation. Être fils de Jarl pouvait offrir bien des choses... Et d’autre, non. Comme les battements affolés d’un palpitant qui s’emballent un peu trop, qui s’inquiète un peu trop à propos de chose dont il n’a pas l’habitude de se préoccuper. Un sourire orne néanmoins ses lèvres, qui se veut être le plus sincère possible mais qui doit apparaître légèrement crispé au demi-elfe qui l’invite à entrer en l’assurant que c’est toujours un plaisir de le voir. Oh, s’il savait combien le plaisir était partagé... Les aveux qu’ils s’apprêtent à lui faire lui brûle la gorge. Il meurt de les lui avouer, enfin, mais voilà trop longtemps qu’il garde ses sentiments et ses préférences pour lui. Même si, pour la première fois depuis aussi longtemps qu’il s’en souvienne, il... aime... Frothar a du mal à vouloir laisser entendre ce simple fait. Merde.

L’autre sujet à aborder était plus simple, plus délicat, moins anxiogène. Pour le remercier de le laisser entrer, c’est un blond fébrile qui pose ses mains sur les épaules de Sven et colle un baiser sur son front, sans vraiment se rendre compte de ce qu’il fait. Son esprit est dérangé, à mille lieux de son calme habituel, et lorsqu’il lui tourne le dos pour se dévêtir, il se dépêche de chasser les rougeurs de ses joues. « Helgen... » Frothar se tourne à nouveau vers son ami sans plus d’explications. Il prend le temps d’attraper délicatement ses mains pour l’inviter à s’asseoir, avant de continuer : « Je... Je sais que j’ai eu fort à faire, ces derniers temps, avec les dragons et tout ça, mais ça ne m’a pas empêcher de penser à toi. De... » rajoute-t-il rapidement, avant de fermer les yeux en secouant la tête. « De m’inquiéter. Parce que je dois partir. Demain. »

Ses mots sont hachés, décousus, hésitant. Lui-même ne se reconnait plus, et l’Enfant de Dragon a le sentiment de sentir le monde tourner autour de lui – comme sa tête, il suppose. Frothar finit par prendre une profonde inspiration et cherche le regard de Sven : « On doit partir, on va tenter de reprendre Helgen. Le village et les fortifications ont été laissé à l’abandon, il ne serait pas étonnant que des bandits aient décidé d’en faire leur campement. Non, en fait, c’est même certain. » Il s’humecte les lèvres, guettant les expressions sur le visage de Sven : « A terme, on aimerait rebâtir Helgen. En faire le quartier général de chasseurs de Dragons. Et je... Je voulais que tu sois au courant. Avant que je parte. Tu sais... »