Les dragons ont toujours été une légende, du folklore : maintenant, on dit qu'un d'entre eux a attaqué la forteresse d'Helgen.. Y croyez-vous ?
Bryn croit les rumeurs qui circulent sur les dragons. Il ne l'a pas vu de ses propres yeux mais en entend parler de plus en plus souvent. Comment autant de gens auraient-ils pu se laisser berner ? Après tout, le retour des dragons, ce n'est pas une simple blague que l'on pourrait faire au coin du feu. Brynjólf s'attend donc à ce que ces êtres ailés et pourvues d'écailles viennent repeupler les cieux de Bordeciel d'ici peu. Il appréhende leur retour mais ressent aussi une forme d'excitation. Voir une légende prendre vie, ce n'est pas donné à tout le monde ! | La mort du haut-roi des mains du chef des rebelles, le siège de Fortdhiver sont deux actions qui ont fait éclater la guerre civile, longtemps larvée entre Impériaux et Sombrages : comptez vous vous engager d'un côté ou de l'autre ?
Non. Bryn maintiendra sa neutralité autant que possible. Bien qu'il prie secrètement le Dieu Thalos, le jeune homme ne souhaite pas entrer dans les conflits. Tout d'abord car il déteste ça, les tensions et l'animosité sont deux choses qu'il cherche à éviter à tous prix. Mais aussi car il ne se sent pas de taille à se lancer dans ce combat éreintant, sans fin et sanglant. Tout ce qu'il espère égoïstement, c'est que Blancherive parviendra à rester neutre le plus longtems possible. |
Raconte-moi ton histoire... La chaleur de la maison l’enveloppait, une odeur alléchante de soupe de légumes flottait dans l’air. Les paupières mi-closes, le gamin tentait de rester réveillé. Son père n’était pas encore rentré à la maison, la nuit était pourtant déjà tombée depuis des heures. Souvent, l’homme tentait de rentrer avant que la pénombre n’avale les contrées mais encore plus souvent, il ne parvenait à respecter cette envie. Brynjólf entendait la respiration paisible de sa mère, profondément endormie dans son lit. Sa santé était si fragile qu’elle ne parvenait pas à rester éveillée bien longtemps. Le garçonnet tenait à veiller sur sa maman en l’absence du patriarche.
Enfin, la porte s’ouvrit. Une bourrasque violente de vent froid envahit les lieux. Bryn sentit la fraîcheur agresser son corps qui frissonna en retour. D’un bond, il sauta à bas du canapé et se dirigea vers son père. Celui-ci enlevait péniblement ses lourdes bottes et se dirigeait vers la marmite de soupe fumante. L’une de ses larges mains abîmées par le froid et le dur labeur vint ébouriffer affectueusement la tignasse de Brynjólf.
« Comment s’est passée la journée fils ? ». L’homme prit son bol et s’écrasa sur une chaise pour en boire le contenu et piocher avec les doigts, les quelques bouts de légumes qui flottaient à la surface.
« Je me suis occupé du potager et j’ai nourri les animaux. Pendant ce temps, maman faisait la soupe de légumes ». Bryn baissa les yeux, soudain abattu. Son père lui tapota l’épaule avec tendresse. Ils savaient tous deux combien la santé de la femme était fragile. Achever seule la préparation de cette soupe avait été difficile, son corps faiblissait de mois en mois et elle ne tenait plus qu’à peine sur ses jambes. Dormir était devenu son activité principale. Son visage avait perdu ses belles couleurs et elle tremblait qu’importe qu’il fasse suffoquent dans la maison. Le patriarche se resservit un second bol puis un troisième et quand il eut achevé son repas, il poussa un lourd soupire de satisfaction.
« Merci de t’occuper d’elle, fiston ».
Brynjólf ne répondit rien. Ils regardèrent la silhouette endormie de la femme, nichée sous ses couvertures. Chacun espérait qu’elle reprendrait des forces, qu’elle se relèverait le lendemain et qu’elle récupèrerait l’énergie débordante dont elle disposait auparavant. Malheureusement, l’un comme l’autre savait qu’il s’agissait là de pure lubie.
2
Dans sa hâte, elle le poussa soudainement dans la commode de bois. Brynjólf ne chercha pas à se débattre, il se recroquevilla sur lui-même et plongea la tête dans les genoux. Ses deux mains se plaquèrent sur ses oreilles, étouffant les bruits qu’il refusait d’entendre. Le monstre était parvenu à entrer. Au fond de lui, Bryn savait ce qu’il venait de se passer mais il refusait de se l’admettre et préférait se bercer d’illusions.
Il avait juste eu le temps d’apercevoir la fourrure tachetée de sang et les crocs proéminents avant que sa mère ne le pousse pour le cacher dans le meuble. Son père s’était probablement battu comme un fauve pour protéger sa famille mais les années de dur labeur avait rendu son corps faible et fatigué. La créature féroce ne devait pas avoir eu beaucoup de mal à prendre le dessus. Quant à sa mère, sa santé lui permettait à peine de se tenir debout, la bête n’avait sûrement eu qu’à bondir sur elle pour la briser. Bryn resta prostré durant des heures, peut-être des jours. Ses muscles hurlaient à la mort, endoloris par le manque de mouvement et la position inconfortable. Seul son torse bougeait, soulevé par les sanglots.
Le smilodon ne le trouva pas. Peut-être était-il repu après le festin qu’il avait fait ? Quoi qu’il en soit, Brynjólf s’apprêtait à crever là. Au fond d’une commode, noyé dans ses larmes et dans la crasse. Pourtant, la porte s’ouvrit et la lumière du jour l’aveugla. Un visage humain le fixait, un visage que Bryn n’oublierait jamais. Le gamin se mit alors à hurler à la mort, pleurant à chaudes larmes et implorant l’inconnu de lui rendre ses parents. Cet inconnu s’appelait Yildun et il deviendrait son mentor, l’une des personnes les plus importantes aux yeux de Brynjólf. Grâce à lui, Bryn fut amené à Blancherive, ville la plus proche de leur maison excentrée et il fut confié à un orphelinat. Sans Yildun, le gamin aurait sûrement attendu dans la commode jusqu’à ce que son corps ne lâche et que la douleur ne l’achève. Cette seconde chance était impossible à refuser.
3
Ils le détestaient. Pire, ils aimaient le voir souffrir. Brynjólf était petit, chétif et avait le teint livide. Oh, les autres n’étaient pas bien gras non plus. A l’orphelinat, c’était à peine s’ils avaient assez de quoi manger pour tenir debout. Malgré tout, même parmi les maigres, Bryn faisait partie des plus fragiles d’apparence. Et ça, les autres, ils appréciaient. Ils aimaient le brutaliser, l’humilier et lui faire comprendre qu’ils le haïssaient. Beaucoup étaient jaloux car malgré tout, Brynjólf avait vécu neuf longues années avec ses parents ! Il en gardait de merveilleux souvenirs. Tandis que de leur côté, la plupart de ces gamins ne savaient même pas à quoi ressemblaient leurs géniteurs.
Bien qu’une grosse partie de l’orphelinat s’amusait à rire de Brynjólf, à le malmener ou à le tabasser, le gamin était tout de même parvenu à se faire des amis. Des alliés fidèles, loyaux et qu’il n’abandonnerait jamais. Pas bien nombreux, le quatuor se serrait les coudes. Ce fut eux qui apprirent à Brynjólf à rendre les coups. Au début, le gosse eut beaucoup de mal mais il apprit à surpasser sa peur de blesser. Ses amis veillaient sur lui et l’aidaient à surmonter cette vie de chien.
Un jour, Bryn échappa à la surveillance des adultes et se glissa par une fenêtre pour aller visiter Blancherive. Il se dirigea vers le quartier le plus riche et, guidé par sa curiosité et son envie, se faufila dans l’une des plus belles demeures. Brynjóf y découvrit des meubles imposants, sans doute taillés dans du matériau de qualité. Il y trouva même des armes, des vêtements et quelques pièces. Le gosse aurait pu s’emparer de tout ça ou tout du moins essayer mais la seule chose qui l’intéressait, c’était la nourriture.
Tel un affamé, il se rua sur le morceau de viande cru qui traînait sur la table. Bryn ne perdit même pas de temps à hésiter, il croqua à belles dents dans l’aliment. A l’orphelinat, la viande était une denrée extrêmement rare et quand ils en obtenaient, c’était probablement du rat tout au plus. Brynjólf se délectait de sa trouvaille quand ...
« Hmm hmm ». Le raclement de gorge le fit tressaillir et il en tomba à la renverse. Les lèvres ensanglantées de son repas, le gosse écarquilla les yeux face à la silhouette qui s’avançait dans sa direction. Sa protégeant naturellement le visage, il supplia automatiquement :
« Je vous en prie, ne me tuez pas ! Je suis désolé. Je ne voulais pas vous voler ce morceau de viande mais j’avais faim ... désolé je ne recommencerai plus ».
Au lieu de sentir un poing s’abattre sur son visage ou une chaussure sur son crâne, Bryn sentit une paume tapoter sa tête comme le faisait son père autrefois.
« T’as faim petit ? ». L’enfant releva la tête et s’aperçut alors qu’il avait une femme, adulte, en face de lui. Contre toute attente, elle lui souriait tendrement.
« Viens, on va te préparer quelque chose à manger ».
4
Se faire adopter par un Huscarl était inespéré. C’était la chance que tout orphelin rêvait d’obtenir. Brynjólf fut arraché à sa misère et alla vive dans une demeure assez grande pour accueillir au moins quatre personnes. Ils n’y vivaient qu’à deux. Lui et celle qu’il considérait aujourd’hui comme sa mère. Naturellement, elle était trop jeune pour l’être réellement ! De plus, jamais elle ne remplacerait sa véritable mère. Cependant, Bryn ressentait un amour inconditionnel pour elle. Généreusement, elle l’avait adopté et avait transformé le gamin rachitique en jeune garçon en bonne santé.
Brynjólf n’eut aucun mal à devenir l’apprenti du boulanger, celui-ci étant ravi de compter le fils adoptif de la Huscarl comme son successeur potentiel. Et tandis qu’il apprenait à faire du pain et des gâteaux, il n’en oubliait pas pour autant ses amis. Ces trois jeunes gens qui étaient restés à l’orphelinat, faute d’avoir trouvé des parents qui voulaient bien d’eux.
Quand ils furent trop vieux pour l’orphelinat, ils furent chassés et abandonnés à leur triste sort. Bryn mit tout en œuvre avec ses faibles moyens pour les aider. Peu à peu, il s’aperçut que ses sentiments pour la belle Maïwenn se transformaient. Auparavant, il aurait tout fait pour la voir sourire mais désormais il attendait plus, il espérait attirer son regard et peut-être un jour, obtenir son amour.
L’apprenti supplia son mentor boulanger d’embaucher la jeune fille comme vendeuse. Grâce à sa sollicitude, Maïwenn trouva un emploi et vendit les pains et les gâteaux que confectionnaient l’apprenti et le maître.
Un rapprochement s’opéra entre les deux jeunes gens et ils connurent les plaisirs de l’amour ensemble. Du jour au lendemain pourtant, Maïwenn disparut. Elle quitta Blancherive sans avertir Brynjólf et ne lui laissa qu’une pauvre lettre d’excuse délivrée de la main de leurs amis communs. Cela blessa énormément Bryn qui se tourna alors vers les gens sur qui il pouvait compter : Yildun ainsi que sa mère.
5
Le départ de Maïwenn creusa un vide dans le cœur de Brynjólf qui chercha à le combler en fréquentant d’autres femmes. Cependant, aucune ne prit la place de sa belle amie d’enfance. Ses peines de cœur furent chassées par la situation politique qui vint envahir Bordeciel. La guerre entre les Sombrages et La Légion faisait rage, plus que jamais. Jusqu’à présent, Blancherive était parvenue à maintenir sa neutralité mais jusqu’à quand ? Le conflit enfle et Bryn s’inquiète de l’avenir de Bordeciel.
Sans parler de l’annonce grandiloquente du retour des dragons ! Il semblerait qu’ils soient bel et bien revenus. Les légendes disaient donc vrai ... Brynjólf est apeuré, cela va de soi. Les dragons peuvent causer bien des dégâts et arracher bien des vies. Mais paradoxalement, il ressent aussi une excitation et sa curiosité est piquée. Il est presque impatient de savoir ce qui va suivre ...