Frothar était rentré plus tard que prévu, ce soir-là. Il avait même quitté les écuries tellement tard qu’il était à peu près certain d’avoir raté le repas à Fort-Dragon. La visite qu’il avait rendue à Sven avait durée bien plus longtemps que prévu, parce que... Ils avaient justement rencontré quelques imprévus. Enfin, surtout Frothar, à vrai dire, en la « personne » de Seren... Il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour son ami, mais il avait l’air de savoir ce qu’il faisait avec ce petit smilodon, alors... Frothar ne pouvait pas le lui enlever. Cela ne l’empêcherait pas de s’inquiéter, mais il devait lui faire confiance. Il avait donc passé la journée avec le semi-elfe, surveillant du coin de l’œil la petite lionne, discutant de tout et de rien... C’était malgré tout, plutôt agréable, même s’il avait été surpris par le temps qui était passé... Beaucoup plus vite que prévu.

Lorsqu’il laissa Ysgr à l’écurie, la nuit étendait son voile sombre sur Bordeciel et les feux avaient déjà été allumés pour éclairer la capitale. Il grimpa les marches vers Fort-Dragon quatre à quatre, son ventre grondant de faim, mais il fut arrêté dans sa course par la silhouette d’un autre semi-elfe qui ne lui était pas inconnu. Si Lancerion était ici, alors il devait bel et bien avoir raté le repas. Tant pis. Frothar hésita un instant, avant de ralentir pour s’arrêter à sa hauteur. « Bonsoir, Lancerion. » un sourire poli vint s’étirer sur ses lèvres, tandis qu’il continuait doucement : « Je suis désolé de n’avoir pas pu assister au repas de ce soir. Tout s’est bien passé, je l’espère ? » Il ne quittait pas son sourire poli. L’avis de Frothar sur le semi-elfe avait bien évolué depuis son arrivé à Blancherive. Et même s’il restait légèrement méfiant vis-à-vis de celui-ci, il était à présent plus enclin à l’écouter et à lui accorder sa confiance qu’il ne pouvait le faire au début... Même si une part de lui restait méfiant, à l’affut du moindre signe qui lui prouverait qu’il avait eu raison.

Signe qui ne venait jamais, cependant : ce qui le « surprenait » (ce n’était pas vraiment le bon mot, mais il était assez bien imagé) de la bonne manière. Herulf, qu’il n’avait pas pris avec lui ce matin, déboula soudainement pour lui faire la fête, et il prit quelques instants pour le câliner avant de se retourner vers Lancerion, et d’embrasser du regard la vue qui s’offrait à eux. « Notre châtellerie est magnifique, n’est-ce pas ? »

Un léger sourire flotta sur les lèvres de Frothar aux paroles de Lancerion. Est-ce que le général de la garde avait fait des choses importantes, aujourd’hui ? Pour lui-même, certainement. Pour la châtellerie, c’était moins certain... Mais il fallait bien prendre le temps de se reposer un peu, de temps à autre. Néanmoins, Frothar préféra – et préférait de manière général – laissé penser qu’il avait réellement été occupé à quelque chose qui avait un quelconque rapport avec ses fonctions. Il n’aimait pas spécialement aborder certain aspect de sa vie privée en « public », et même si ce public avait certainement déjà eu connaissance de ses préférences. Il haussa une épaule ; « Oh, vous savez, vous pourriez être surpris. Mais quand le devoir appel, l’homme répond ! » il répondit en écho au rire du demi-elfe, et secoua légèrement la tête.

Herulf l’interrompit, son rire et le court de ses pensées, mais comment lui en vouloir ? Cela faisait trop longtemps qu’ils n’avaient pas passé de temps ensemble, ils allaient devoir rattraper ça. « Oui, vous avez raison. Même si, je dois l’avouer, avec la guerre civile qui gronde et l’ombre des dragons qui plane sur nous... Les fleurs ne sont pas ma priorité. » Il lui adressa un regard désolé ; pas qu’il ne se souciait pas de la faune et de la flore, loin de là. Mais actuellement, ce n’était pas ce genre de chose qui requerraient actuellement toute son attention. Le général arqua un sourcil à l’intervention du garde, qui paru alors remarquer la présence de son supérieur, et s’esquiva rapidement pour prendre sa place près des portes de Fort Dragon.

Frothar salua Lancerion, et hésita un instant. Il n’avait pas envie de rentrer, la nuit était claire et le temps agréable. Et puis, se balader un peu avec Herulf ne lui ferait pas de mal non plus, d’autant plus que les deux canidés avaient l’air de bien s’entendre. « Je ne vais quand même pas laisser l’un de mes gardes chasser quelqu’un sur le pas de ma porte. » A son tour, il esquissa un sourire en coin, puis, d’un geste de la main, désigna la ville qu’il embrassait du regard. Un autre des avantages de Fort Dragon. « Peut-être pourrais-je vous inviter à boire une chopine à la Jument Pavoisée, si ma compagnie ne vous est pas trop désagréable ? » Frothar avait toujours eu ce besoin de se mêler aux gens de sa châtellerie, de sa capitale. Et ça commençait, ce soir, avec Lancerion.