Lettre 1 ❖ Wyn & Erissare

Le message subit les interrogatoires de rigueur entre les gardes sombrages, mais la palpation précise, rude des soldats ne trouve rien de plus que quelques victuailles de voyages et des pièces d’or. Le parchemin roulé, scellé qu’il transporte dans sa besace est examiné, mais l’homme est finalement relâché, laissé à arpenter le pont de pierre exposé aux brises de printemps.
Lorsque le message confie le rouleau de parchemin à l’archimage, le sceau marqué des armes de Markarth a été brisé sans gêne, mais le papier est intact – bien qu’on voie clairement qu’il a été arraché à la hâte d’un autre rouleau. Il ne s’agit pas d’un joli papier à lettres, d’un texte étudié. Non, les encres se chevauchent et se reprennent, les coloris plus ou moins effacés ou intenses. Wyn a dû écrire cette lettre en deux, trois, quatre fois peut-être, sautant du coq à l’âne. L’écriture est hâtive, pressée, angulaire et penchée vers l’avant, dans une course contre la montre qui avait plus de sens que jamais. Wyn ne s’était jamais attardé pour écrire, il n’avait jamais pris le temps de s’asseoir pesamment pour rédiger un courrier, un ouvrage d’érudit, des notes, ou même ses cours à l’époque de l’académie ; à première vue on dirait même qu’elle est rédigée en alphabet dwemeri, pourtant c’est l’écriture de Wyn qui transforment les lettres communes en runes étranges.

« - Très chère Dame Erissare, » Et tant pis pour le refus de la Mer pour cette marque de politesse, et un faible sourire s’était étiré sur les lèvres de Wyn à la pensée. Juste assez pour le distraire un instant, lui faire retrouver un sourire alors qu’il était penché sur un pupitre, tenant d’une main une plume, de l’autre la canne de son équilibre précaire. « - J’ignore tout de la situation à l’Académie, mais d’après les soldats de l’Empire, ce n’est pas débloqué, encore. J’espère que vous allez bien, les missives de mon père sont de plus en plus espacées, et ces derniers mois… » L’encre a formé une tâche, la plume trop longtemps déposée sur le parchemin – depuis Clairciel il n’avait plus rien envoyé à son père. « - Je ne sais pas si vous en êtes alertés, mais Markarth a connue une attaque de vampires, sans précédents. Remarquable encore, ils en avaient après mes recherches, et certains secrets du jarl. » Il a longtemps hésité ici, et repris quelques jours plus tard, l’écriture décidée. « - L’état de Bertil semble stationnaire il est tiré d’affaire » et il y a, ajouté dans l’interligne : « - Il avait été attaqué sous mes yeux par un vampire » et la main tremble quand elle a rajouté la note, la ligne de la phrase ondulant sur le papier, comme une vague. « - Si vous avez des informations sur les vampires, ouvrages sur des prophéties ou sur la région de Morvunskar, pourriez-vous me les faire parvenir ? Nous sommes également à court de potions de soins des malades, mais j’ignore si vous pouvez vous en passez aux tours. » L’appellation familière de bâtiments de l’académie reviens à sa plume, comme s’il était encore étudiant, jeune, intact des guerres qu’il subit, mentalement et physiquement depuis plus d’un an maintenant. Il y a ensuite une ligne, raturée avec une frénésie suffisante pour trouer la peau de chèvre du parchemin : « - Que Julianos vous protège » est presque impossible à discerner sous la tâche d’encre qui s’étend au bas du parchemin, à côté du sceau de Wyn, symbole des constellations et calculs dwemers, à l’encre noire, repris de sa chevalière.