Lorsque Frothar sorti de l’eau qui commençait à se faire froide, un sourire flottait sur ses lèvres. Il n’y avait rien de mieux qu’un bon bain – et Mara savait qu’ils étaient bien trop dispersés dans le temps – pour se détendre un peu. Il n’y avait rien de tel pour se débarrasser de ses soucis en même temps que de sa crasse ; même si les soucis revenaient généralement plus vite que la crasse elle-même. Le blondin fit rouler ses épaules pour finir de détendre ses muscles, et attrapa une serviette pour essuyer consciencieusement son corps. Il avait pris un repas frugal pendant qu’on lui préparait une baignoire d’eau bien chaude et, une fois qu’il eu enfilé une tenue un peu plus confortable et élégante que son armure de général de la garde, il se décida à sortir ; à vrai dire, il en avait même décidé dans le courant de l’après-midi, lorsque ce messager impérial – Daren – avait fait irruption à Fort-Dragon pour remettre quelque message certainement important à sa très chère sœur. Lui n’avait pas pris le temps de s’attarder, devant diriger une petite patrouille pour vérifier les alentours de la capitale, et n’était rentré que plus tard.

Mais il se doutait d’où se trouverait le messager ; certainement pas (malheureusement) dans sa chambre. S’il voulait aller à sa rencontre, ce n’était certainement pas pour tenter de l’attirer dans son lit – il avait, depuis le temps, compris que ce n’était pas un homme comme lui – mais bien pour prendre des nouvelles de la légion. Avec la guerre civile qui grondait, le général était obligé de suivre la politique de neutralité de sa sœur : mais cela ne l’empêchait pas de nourrir une certaine sympathie pour la légion, dont il parvenait à comprendre les enjeux. Il n’était pas totalement contre les Sombrages ; étant après tout lui-même Nordique, il y avait certain point pour lesquels il était plutôt d’accord, comme le point concernant Talos. Du reste, il voyait au-delà de son nombril (oui, il avait un avis plutôt tranché sur la question, même s’il restait pudique et neutre en public).

C’est dans ce but précis que Frothar passa les portes de la Jument Pavoisé avec son habituelle prestance. Il dégageait cette aura d’autorité que se devait d’avoir tout leader, en bon fils de Jarl – et frère de Jarl, même – mais avec ce côté charismatique et abordable. Il n’était pas de ces généraux qui prenaient leurs soldats de hauts et se pensaient sur un piédestal, il avait ce don de savoir doser autorité et sympathie, ce qui rendait la vie de tout le monde beaucoup plus agréable. Saluant au passage les personnes présentes, échangeant avec eux quelques mots, il finit par arriver au comptoir où il demanda deux pintes, déposant l’argent sur le comptoir avant de pivoter, bière en main, pour rejoindre directement Daren à sa table habituelle. « Hey, Daren. Ça faisait un bail. » Avec un sourire plus chaleureux que « charmant » au sens propre du terme, le général prit place à la table du messager. Il se connaissait relativement bien, maintenant ; du moins n’étaient-ils pas étrangers l’un à l’autre, depuis le temps que Daren venait à Blancherive. Frothar ne s’était juste, jusque-là, pas vraiment intéressé à la Légion... Mais prenons les choses en douceur. « Alors, comment tu vas ? Le voyage n’a été ni trop long, ni trop compliqué, j’espère. De bonnes nouvelles de Bordeciel ? »

L’arrivée et la voix de Frothar eu un effet inattendu sur le messager, qui devait être perdu dans ses pensées, puisqu’il se redressa soudainement pour prendre une posture quelque peu plus... Décente. Même s’il aurait pu rester comme il était que cela n’aurait pas déranger le général de la garde, à vrai dire. Ce lui arracha néanmoins un petit sourire amusé tandis qu’il s’installait face à Daren en posant les deux pintes sur la table. « Tu pensais à une belle blonde laissée quelque part sur la route ? » ironisa le blondin, taquin, « Enfin, si c’est le cas, j’espère que tu ne l’as pas laissé sur la route. Pas littéralement. » Il esquissa un petit sourire, avant de secouer la tête pour répondre plus sérieusement : « Je venais prendre des nouvelles, tant que tu es de passage. »

Ce n’était pas tout à fait vrai – pas cette fois. Mais ce n’était pas totalement faux non plus. Frothar arqua légèrement un sourcil, en se demandant ce qui avait bien pu arriver à Daren pour qu’il dise ça, mais pris une gorgée de bière sans insister : le messager n’avait pas vraiment l’air de vouloir s’attarder sur ces détails, continuant plutôt sur Bordeciel. Le général fit la moue en reprenant une gorgée d’alcool, haussant une épaule. « C’est vrai, tu as raison. Entre la guerre civile et le retour des dragons – qu’on y croit ou non... Mais s’il n’y a pas de mauvaises nouvelles, pas d’affrontements, pas de deuxième Helgen... Tant mieux, je suppose. » Il soupira. Que ce soit l’un ou l’autre sujet, il se sentait un peu seul ici. Enfin, surtout à propos de la guerre civile : il respectait la politique de neutralité de sa sœur, mais il ne l’approuvait qu’à moitié. D’un côté, il comprenait sa démarche : Blancherive prospérait, et prospérait toujours, étant le carrefour de Bordeciel. Elle maintenant la paix, et cette prospérité. Mais il ne voulait pas regarder le pays se faire mettre à feu et à sang par cet Ulfric.

« Tu fais attention à toi sur les routes, hm ? » Il ne savait pas s’il avait légitimement le droit de lui demander ça, mais il le faisait quand même. Il ne voudrait pas que les liaisons soient coupées, même si cela ne serait que temporaires : et il devait avouer que même s’il ne connaissait pas intiment Daren – en termes d’amitié, puis qu’il avait fini par comprendre que le reste était proscrit – le jeune homme lui manquerait. C’était quelque chose d’assez rassurant de voir le messager revenir, toujours, sans faute. « Pas grand-chose, ici. Les affaires continuent de prospérer, avec la politique de neutralité de ma sœur, nous ne sommes pas vraiment touchés pas la guerre civile ou les rumeurs de guerre civile. Je comprends son choix, elle continue ce que notre père avait commencé mais... Je n’approuve pas, pas totalement. A titre purement personnel. » Il se pencha légèrement en avant pour lui avouer, plus doucement : « Je ne le ferais pas publiquement, parce que je ne veux pas être le général qui n’a pas hérité de la place du Jarl et qui la contredit : mais personnellement, je me serais rangé aux côtés de la Légion. » Et il se renfonça dans sa chaise, l’air de rien, reprenant une gorgée de bière. « On guette les dragons, aussi. Tu n’en a pas vu, par hasard ? »